dimanche 26 février 2017

L'Eau Vive

Enfants, nos parents nous ont fait goûter, très jeunes, aux joies du ski. Adeptes de la caravane, nous avons passé quelques hivers à « l’Eau Vive », caravaneige de Xonrupt-Longemer, près de Gerardmer. Les joies de dévaler les pentes de La Bresse et de la Schlucht entre autres, les pleurs, chaque soir, en déchaussant les pieds glacés hors des chaussures de ski en cuir, bref que de bons souvenirs ! Aussi lorsque s’est présentée l’occasion de louer un chalet avec cinq chambres pour offrir aux enfants leurs premières vacances de ski, c’est toute la famille qui a été invitée à venir faire le lien entre le passé et l’avenir.
Personne ne manque à la pelle?
Lorsque les enfants pleurent le dernier jour, avec la supplique entendue après chaque vacance : « Papa, on pourra revenir là, dans cette maison, aux prochaines vacances ? » c’est que les vacances se sont bien passées : luge, ski alpin, ski de fond, une télé en panne et une table de ping-pong  dans leur chambre, presque le bonheur parfait.
Loup où es-tu? Loup y es_tu?

Mais voilà, toute médaille a son revers, Papé n’a pas trop apprécié sa première descente en alpin, puisque à mi pente, une chute se soldera par une fracture du bassin. Si j’avais pu gérer tout seul les deux premières sorties en ski de fond, je ne pouvais pas emmener les quatre enfants sur les pistes alpines et l’idée de confier Nine à son grand-père n’a pas été ma meilleure intuition.

Devant Cénima le bonhomme de neige!
Voir son père emmené en civière puis en ambulance n’est pas un bon souvenir, le voir revenir le lendemain à la maison en est un bien meilleur et si je ne lui ai pas forcément dit, ma sœur a été incroyable dans la gestion de ces événements et je peux bien lui révéler ce que mon père m’a confié un soir que j’arrivais encore trop tard pour l’aider : « je dois avouer que j’ai une fille extraordinaire ! »

L'Eau Vive

dimanche 5 février 2017

Schtroumpf vert et vert schtroumpf

Troisième et avant dernier cadeau de noël d'un petit tour du monde littéraire, après "Congo INC, le testament de Bismark" d'In Koli Jean Bofane et "L'Anthropologie n'est pas un sport dangereux" de Nigel Barley sur l'Indonésie, voici "Nostalgie de la Rizière" d'Anna Moï sur le Viet Nam. L'auteure a fui le pays en guerre pour se réfugier en France (il fut un temps où l'on savait accueillir), pour retourner 20 ans plus tard vivre dans son pays d'origine pour lequel elle offre une vision attendrie. Recueil de nouvelles comme je les aime, courtes, un style simple avec l'art de faire passer les choses graves derrière le rire des enfants. La construction est tout aussi remarquable, des anecdotes dissertées sur quelques pages qui servent une ou deux phrases de conclusion qui sonnent comme des aphorismes, des morales, des épilogues ou des évidences.


Je ne résiste pas au plaisir de partager la fin de la nouvelle "Alias" dans laquelle Anna Moï explique que la très grande majorité des vietnamiens exercent au moins deux métiers, le plus souvent par nécessité, étant elle-même styliste et écrivain, on y trouve donc des imprimeur/sculpteurs, des informaticien/violoncellistes, des réparateurs de photocopieuse/horticulteurs, des professeurs d'université/chef d'entreprise de broderie ou des boulangers/fabricant de kart. La nouvelle se concluant ainsi:

Il y a quelques années, mon mari fit une tentative pour trouver un professeur de saxophone auprès du conservatoire de musique. Grâce aux lettre de recommandation
dont il était muni, la direction de l'école finit par lui envoyer à domicile un jeune professeur, Tuan.
- Vous souhaitez faire de la clarinette? demande Tuan.
- Non, répond mon mari, mon instrument est le saxophone.
- Je suis vraiment navré, mais je suis professeur de clarinette. 
- Mais la clarinette est très proche du saxophone: c'est un "bois". Je suis sur que vous m'apporterez une aide précieuse dans la pratique de mon instrument.
- Vous avez des morceaux pour le saxophone classique? fait Tuan sans enthousiasme.
- Non, je suis saxophoniste de jazz.
- Dans ce cas je ne peux vraiment rien pour vous, car je suis professeur de clarinette classique.
- Mais ce n'est pas grave du tout; au contraire, une gamme est toujours une gamme.
A contre-coeur, Tuan donne un cours d'une demie-heure, puis regarde sa montre.
- Je vais être obligé de partir, car je joue dans un orchestre.
- Ah! vous jouez dans un orchestre de chambre ou un orchestre symphonique?
- Ni l'un ni l'autre, je joue dans un orchestre de jazz.
- De la clarinette?
- Non, du saxophone.