Take Me To The Alley
Je pars courir.
Il pleut ! J’enfile la casquette et c’est parti, dès les premières enjambées, je pense à cet article, sur comment l’écrire, comment partager ce que je viens d’entendre. Allongé dans le lit, j’écris en écoutant à nouveau la magie de ces morceaux. En revenant de Charleville, après une très bonne journée de boulot et un somptueux barbecue chez les ardennais pour qui la pluie c’est le beau temps, arrêt à Reims pour acheter un cadeau à mes frères et sœur. Petit plaisir perso, j’emporte le dernier album de Yom que je connais déjà un peu et dont je remets à plus tard l’écoute. J’arrive «Chemin de la bonne Dame», le bitume est refait, les arbres replantés, il pleut et la musique me trotte dans la tête, je cours presque trop vite, c’est parfait ! Je prends aussi le dernier album de Gregory Porter parce que je sais que ça va m’aider à terminer ma route, je n’ai pas envie de conduire ! Le CD dans le mange disque, je prends un risque car il ne veut plus les rendre mais dès les premières notes je sais que j’ai fait le bon choix.
D’abord l’univers, c’est le jazz, c’est la soul, c’est le blues, le rhythm & blues, le suave, on est chez Nat King Cole, chez Marvin Gaye, on est chez soi ou sur la route et on est bien, c’est chaud ! Entre une batterie, elle donne le rythme, elle n’est pas là pour faire du bruit, pas là non plus pour être oubliée, c’est fin, c’est tendre, c’est indispensable. Dans le fond, il y a parfois une trompette avec une sourdine qui la ferait presque couiner, le son des polars, aussi insupportable que terriblement attirant. J’arrive devant les Blancs Draps, la côte est derrière moi mais je suis déjà bien mouillé. Dans la voiture, je me réveille dans Muizon, envouté par les mélodies, s’il ne pleuvait pas, le coude serait nonchalamment posé sur le rebord de la vitre et je pourrais rêver d’avoir une cigarette au bec. Il y a aussi un piano, c’est clair on n’est pas chez Bach, Chopin ou Satie, non ça swing, peu de notes, un peu free jazz, ça part dans tous les sens mais il accompagne et ne déborde pas, il a le droit au solo, mais donne l’impression de ne jouer que d’une main, c’est diabolique ! J’arrive à Fismes, j’ai dû doubler le camion, il n’est plus dans le rétro ! L’eau ruisselle sur ma casquette quand j’arrive à Limé, je vais trop vite, calmons le jeu et rêvons encore un peu. Il y a aussi un clavier qui sort des sons que je croyais oubliés, une contrebasse incroyablement sexy et un, non deux saxos ! Ils sont les relais de la voix, ils sont à côté, ils sont brillants, on les devine impatients. Devant le château de Courcelles, je suis rincé ! Courcelles, ne pas rater la sortie, encore que… la musique est tellement belle, je ne me sens plus rouler. Et enfin, il y a la voix. La voix de Porter. Cette voix est … non, il n’y a pas de mot pour la décrire, il faut l’entendre, ce mec chante comme il parlerait pour se faire comprendre, c’est tellement vrai qu’on ne ressent même pas la performance ! C’est beau, c’est inespéré, c’est parfait ! J’ai fait mes dix bornes, je suis trempé et quand je gare la voiture, je récupère le CD avec la pince à épiler, saleté de mange-disque ! Ce n’est pas grave, je me change, j’enfile la casquette, j’ai de la musique plein la tête !
Je pars courir.
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